Moulay Abdelhafid Ibn Hassan (1908 - 1912)
Jouissant d'une réputation de piété exemplaire, Moulay Hafid, frère aîné d’Abd al-Aziz, fut proclamé sultan à Marrakech le 16 août 1907 à la suite des évènements de Casablanca. A Fès, il fut acclamé sur sa promesse de mener à bien la Guerre Sainte et les oulèma de Fès lui demandèrent d’abroger les accords d’Algésiras, de chasser les Français de la Chaouia et du Maroc Oriental. Abd el Aziz fut alors détroné. Moulay Hafid accède au pouvoir mais dans l’incapacité de l’exercer et surtout de tenir ses promesses. Il entama de vaines négociations avec la France qui imposa sa domination dans le domaine de l’armée, puis réclama de lourdes indemnités pour la campagne de représailles de Casablanca et de la Chaouia. Moulay Hafid dut renoncer au jihad, enflammant à nouveau la population marocaine et les oulama.
L’Espagne, profitant de la conjoncture et à la suite d’incidents entre Espagnols et Marocains dans le Nord, envahit une partie du Rif. La France ne pouvant tolérer ce climat d’insécurité et de révoltes sanglantes dans un pays où elle avait déjà tant «investie», obligea Moulay Hafid, le 4 mai 1911, à signer une lettre au gouvernement français antidatée du 17 avril demandant l’aide de la France pour rétablir la paix et faire disparaître les causes de troubles et d’agitation tout en préservant l’autorité chérifienne. Les portes de la capitale Fès étaient désormais ouvertes et la colonne Moinier entra dans la ville le 21 mars 1911. Meknès fut investie le 8 juin et Rabat le 9 juillet.
A cette occupation française, l’Espagne réagit en occupant Larache et El Ksar el Kébir. L’Allemagne, qui n’avait jamais cessé de s’opposer à la pénétration française au Maroc, ne réagit que le 1er juillet 1911, envoyant le croiseur Panther à Agadir pour protéger ses intérêts économiques dans le Souss. C’était là du moins le prétexte officiel. En fait, il s’agissait de montrer à la France qu’elle ne pouvait impunément prendre possession du Maroc. Afin de «calmer» l’Allemagne et d’obtenir la reconnaissance de ce qui, sous peu, allait officiellement devenir le protectorat français sur le Maroc, la France décida de lui offrir des compensations. Le 4 novembre 1911, par le Traité de Berlin, l'Allemagne reconnait le protectorat français mais reçoit une partie du Congo.
N’ayant plus à craindre l’intervention des puissances coloniales européennes, et isolant diplomatiquement Moulay Hafid, la France pouvait désormais agir en toute liberté au Maroc. Le 24 mars 1912, le ministre de France à Tanger, Regnault, arrive à Fès avec pour mission de faire signer au sultan le Traité du Protectorat ou Convention de Fès. Sous la pression de cinq mille soldats français qui campaient sous les murs de son palais, de l’occupation de vastes zones dans l’ouest et dans l’est du royaume et d’un climat d’anarchie qui s’étendait dans le pays, Moulay Hafid accepta de signer le Traité du protectorat le 30 mars 1912. Cette signature déclencha une vague de sanglants combats, en particulier dans la ville de Fès. La pacification, n’étant pas aussi facile que prévue, les ministères à Paris décident d’envoyer un homme à poigne, Hubert Lyautey afin de régler tous les problèmes militaires et administratifs. Premier Résident général au Maroc, il réussit à rétablir en mai le calme à Fès, à prendre Marrakech en septembre 1912 et Taza en 1914. Lyautey décida de transférer la capitale à Rabat.
Peu après et avec l’insistance de la France, le sultan abdique « pour raison de santé » au profit de son frère, l’élu de Lyautey, Moulay Youssef. En échange de son abdication, Moulay Hafid obtint 375 000 francs de rente annuelle et un chèque de 40 000 livres sterling.