Moulay Youssef ( 1912 - 1927 )
Le makhzen dut reconnaître Moulay Youssef comme sultan et Lyautey put commencer son œuvre. Etant imam et calife, le sultan conserve alors tous les attributs de son prestige et son pouvoir spirituel reste intact, faisant l’objet d’un respect sincère de la part de Lyautey. Pour ce qui est des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, il se contente de signer les dahirs qui lui étaient présentés par la Résidence. De même, pour nommer les fonctionnaires, il n’a de choix que sur les listes qu’elle lui soumet. Le makhzen est réformé comme prévu. Il n’a plus qu’un rôle de façade : il est la survivance d’un ordre ancien, maintenu en marge du système qui doit amener le Maroc à la modernité sous l’administration du Résident.
Ce dernier comprit rapidement et déclara qu’au Maroc il se trouvait devant «une authentique nation, devant un peuple ayant un passé exceptionnellement riche, des structures originales et une civilisation», faisant une nette distinction entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Lyautey, conscient du fait que le protectorat n’était qu’un état transitoire devant inéluctablement aboutir à l’indépendance du Maroc, allait agir dans ce sens pendant treize ans, en étant d’abord un chef de guerre mais aussi un administrateur intelligent, diplomate et respectueux de l’identité marocaine. De plus, son respect pour l’architecture et les objets d’art marocain fut exemplaire. En esthète cultivé, il veilla à leur mise en valeur et à ce que, lors des grands projets, les villes soient respectées et le patrimoine culturel sauvegardé.
L’instauration du Protectorat français et la présence de Lyautey n’empêchèrent pas les troubles de persister. Bien au contraire, une résistance marocaine était en train de se consolider. En effet, la résistance armée fut très importante et très longue. Les tribus, malgré le déséquilibre des forces, ne pouvaient accepter sans réagir la venue des troupes françaises et la colonisation imposée par une puissance chrétienne. Elles résistèrent dans certaines régions jusqu’en 1934, date à laquelle le Maroc fut enfin considéré comme pacifié. La prise de conscience politique se développa ensuite dans les centres urbains et le combat fut dès lors essentiellement politique.
En 1927, le sultan Moulay Youssef meurt. Le cadet de ses trois fils, Sidi Mohammed ben Youssef, âgé de dix-huit ans, est proclamé sultan sous le nom de Mohammed V.