S.M. Hassan II
Le règne de Hassan II (1961-1999)
Le 3 mars 1961, Hassan II est intronisé, héritant d’un pays politiquement stable. Pérennisant l’initiative de son père, il avait définitivement renoncé au titre de sultan pour celui de roi plus conforme aux références du temps. Véritable virtuose de la politique, Hassan II avait été formé et préparé par son père Mohammed V qui l’avait associé très tôt au pouvoir. Pendant son long règne qui s'achèvera à sa mort le 23 juillet 1999, le roi Hassan II eut pour objectif la transformation du vieil et solennel «Empire Chérifien» en moderne «Royaume du Maroc». Dès le début de son règne, le jeune souverain entreprit de moderniser les institutions du royaume. Sa politique fut d’adapter le Maroc au monde contemporain tout en préservant ses traditions et ses racines.
Le pays qu’il laissa à son fils Mohammed VI était profondément différent de celui dont il avait lui-même hérité. C’était d’abord un pays plus vaste, agrandi durant son règne de trois anciens territoires espagnols : Sidi Ifni en 1969, Saquia al Hamra en 1975 et enfin Oued al Dahab en 1979, ces deux derniers ensembles composant le Sahara occidental. Grâce à ce dernier, le Maroc est devenu une puissance maritime, possédant aujourd’hui plus de deux mille cinq cent kilomètres de côtes atlantiques. C’était ensuite un pays dont le centre de gravité politique et économique avait achevé de basculer vers l’ouest, le Maroc étant sorti de sa phase de repli. Cette ouverture s’accompagna du déplacement définitif du cœur du Maroc de Fès ou de Marrakech vers Rabat et Casablanca. C’était enfin un pays démocratique où l’alternance politique était devenue une réalité. En effet, la réforme constitutionnelle de 1992 opéra une véritable mutation du pouvoir car elle prévoyait que le souverain nommerait désormais les ministres sur proposition du Premier ministre.
En 1996, une seconde réforme dota le pays d’un Parlement à deux Chambres dont une élue au suffrage universel. Le Maroc était donc devenu un véritable Etat de droit, ainsi que l’exprime l’article 1er de l’actuelle Constitution : «le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale». Au mois de mars 1998, le roi Hassan II avait même nommé son vieil opposant socialiste Abderrahmane Youssoufi au poste de Premier ministre.
Le règne de Hassan II fut également caractérisé par un colossal programme de construction de barrages dont l’objectif économique était de limiter les conséquences des aléas climatiques. Ces derniers affectaient grandement un des plus importants secteurs de l’économie nationale, l’agriculture. Au Maroc, la sécheresse est cyclique. Le roi avait donc exigé que chaque année de son règne puisse voir l’inauguration d’une nouvelle retenue d’eau. Cette politique a été menée à son terme et il s’agit là d’une des grandes réussites qu’il importe de mettre en exergue.
Sur le plan de la politique internationale, l’œuvre de Hassan II fut également très importante. Elle tenait dans une phrase qu’il aimait à répéter : « le Maroc ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément dans la terre d’Afrique et qui respire grâce à son feuillage bruissant aux vents de l’Europe. ». Or, les racines du Maroc sont très largement sahariennes. C’est pourquoi le recouvrement de l’ancien Sahara espagnol fut une cause non négociable pour Hassan II. En 1975, devant les hésitations espagnoles, et inquiet des manœuvres algériennes, le roi Hassan II eut alors l’idée géniale d’envoyer des centaines de milliers d’hommes et de femmes reprendre pacifiquement possession de cette partie du territoire national perdue lors des partages coloniaux.

Le jeudi 6 novembre 1975, la marche fut lancée. Ce fut la «Marche verte» menée par plusieurs centaines de milliers de marcheurs, Coran à la main et dans un foisonnement de drapeaux marocains. L’Espagne se trouvant devant le fait accompli, ne pouvant donner l’ordre de tirer sur une foule de civils désarmés, signa le 14 novembre l’accord tripartite Maroc-Mauritanie-Espagne qui prévoyait le partage de l’ancienne colonie espagnole entre le Maroc et la Mauritanie. Au Maroc, la partie nord, c'est-à-dire la Saquia al Hamra, et à la Mauritanie la partie sud ou Oued ad Dahab. Hassan II, avec une grande habileté et un profond réalisme, accepta d’ «abandonner» la partie méridionale du Sahara occidental à la Mauritanie, pays devenu ami, afin de se faire un allié de cette dernière plutôt que de courir le risque de voir se créer un pseudo-Etat sahraoui. L’Algérie et le Polisario tentèrent de s’y opposer et de violents combats éclatèrent dans l’ancien territoire espagnol.
Dans la zone marocaine, l’armée royale parvint à contenir les assaillants alors que dans la zone mauritanienne, de grandes difficultés survenaient obligeant le Maroc à intervenir. Le 10 juillet 1979, un coup d’Etat pro-algérien eut lieu à Nouakchott et la Mauritanie, qui renversa ses alliances, remit l’Oued ad Dahab au Polisario. Le 11 août, le roi Hassan II donna à son armée l’ordre de l’occuper. Le Sahara occidental était redevenu marocain et pour le souverain, la réussite était réelle même si le coût de cette politique était considérable, le Maroc ayant consenti d’énormes sacrifices pour mettre en défense puis pour moderniser ces immensités désertiques. Cependant, les tensions entre l’Algérie, base arrière du Polisario et le Maroc ne cessèrent pour autant. En effet, depuis la «Marche Verte», l’Algérie mène une quasi-guerre contre le Maroc, déclenchant des incidents plus au moins graves jusque dans les années 1990.
Depuis 1970, une autre grande action de Hassan II sur le plan de la politique internationale fut celle du rapprochement israélo-arabe en vue de la paix au Moyen-Orient. Au mois de mars 1981, le souverain, en recevant à Marrakech, le chef de l’opposition israélienne, M. Shimon Peres, ouvrait le long chemin qui visait à établir la paix entre Israël et ses voisins arabes. Dès 1982, il réussit à persuader le roi Fahd d’Arabie Saoudite que la politique arabe vis-à-vis d’Israël était dans une impasse et qu’il convenait d’ouvrir le dialogue avec l’Etat hébreu. C’est encore lui qui, au mois d’août 1984, accueillit dans son palais d’Ifrane, dans le moyen Atlas, le premier sommet israélo-égyptien. Grâce à son œuvre, Hassan II se fit une alliée de l’influente diaspora juive marocaine, choisissant même pour ministres ou conseillers des membres de la communauté juive. C’est ainsi qu’il fit d’André Azoulay, personnalité juive marocaine, né à Essaouira, son conseiller pour les Affaires économiques et financières,et qui occupe encore cette fonction sous le règne de Mohammed VI.
Sur le plan diplomatique et économique, Hassan II participa grandement au rapprochement entre le Maroc et l’Europe. En effet, depuis plus de vingt ans, l’Union européenne est devenu le premier partenaire commercial du Maroc dont elle totalise plus de 60% des exportations. Le 23 juillet 1999 Hassan II meurt. Son fils aîné Sidi Mohammed est proclamé roi sous le nom de Mohammed VI. Il hérite d’un pays politiquement stable dans lequel son père avait entreprit la modernisation des institutions du royaume et de nombreuses réformes.

En plus de son œuvre politique grandiose, Hassan II ne négligea pas les arts. En faisant appel aux artisans marocains pour la construction et la décoration de ses nombreux palais, le souverain se présenta en véritable mécène. La consécration de ce mécénat se réalisa à la veille du XXIe siècle, par la réalisation de la magnifique mosquée Hassan II de Casablanca. Ainsi, le souverain a su rendre hommage au talent de milliers d'artisans et assurer la reconnaissance de ses techniques ancestrales.
La grande variété, la richesse des matériaux, des techniques, des répertoires ornementaux de son ’architecture traditionnelle, ont fait du Maroc l’un des rares pays du monde musulman à avoir su développer, au fil des siècles, un langage architectural dont l'extrême complexité, la géométrie, la sophistication lui restent spécifiques.