Rabat, capitale moderne et ville historique: un patrimoine en partage
Le Comité du patrimoine mondial, réuni à Saint-Pétersbourg (Russie), a décidé à l’unanimité, vendredi, d’inscrire le site « Rabat, capitale moderne et ville historique: un patrimoine en partage » sur la liste du Patrimoine mondial, parrainée par l’Unesco.
La candidature de Rabat n’a pas nécessité le passage au vote, les 21 membres du Comité mondial ayant acclamé la décision de l’inscrire, tout en félicitant le Maroc pour avoir présenté un site « exemplaire ».
Le site de Rabat comprend six composantes étalées sur trois arrondissements: « la ville nouvelle », « le Jardin d’Essais et les jardins historiques », « la médina », « la Kasbah des Oudayas », « les remparts et les portes almohades », « le site archéologique de Chellah ».
Dans la Déclaration de « valeur universelle exceptionnelle » concernant le site marocain, le Comité mondial relève que Rabat ville moderne « concrétise un urbanisme précurseur, soucieux de la conservation des monuments historiques et de l’habitat traditionnel ».
Ce savant mariage entre tradition et modernité « exprime l’émergence d’un style architectural et décoratif original propre au Maroc contemporain », souligne-t-on.
Bien conservée, la ville moderne a été conçue de manière rationnelle, comprenant des quartiers et des bâtiments aux fonctions bien déterminées et aux importantes qualités visuelles et architecturales.
La ville moderne est caractérisée par la cohérence de ses espaces publics et par la mise en oeuvre d’idées hygiénistes (réseaux, rôle de la végétation, etc.).
L’habitat est illustré par des quartiers à l’identité bien affirmée: médina et Kasbah, quartiers résidentiels et des classes moyennes de la ville moderne, enfin le quartier néo-traditionnel des Habous de Diour Jamaâ.
La ville intègre en son sein une somme importante d’éléments monumentaux, architecturaux et décoratifs issus des différentes dynasties antérieures.
Le Comité mondial souligne que « la réappropriation du passé et son influence sur les architectes et les urbanistes du XXe siècle ont produit une synthèse urbaine, architecturale et décorative originale et raffinée ». « L’ensemble offre à voir un héritage partagé par plusieurs grandes cultures de l’histoire humaine : antique, islamique, hispano-maghrébine, européenne », ajoute-il.
Dans sa décision, le Comité mondial a suivi la recommandation du Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS) qui, dans un rapport d’évaluation rendu en mai dernier, a préconisé l’inscription de Rabat sur la base notamment des critères (ii) et (iv) de la Convention du patrimoine mondial.
Le Critère (ii) stipule que le bien ou site candidat doit « témoigner d’un échange d’influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l’architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou la création de paysages ».
Le Critère (iv), quant à lui, prévoit que le site doit « offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une période ou des périodes significative(s) de l’histoire humaine ».
L’ICOMOS a estimé que le critère (ii) a été justifié, puisque « par son ensemble urbain, ses monuments et ses espaces publics, la ville moderne de Rabat respecte les nombreuses valeurs du patrimoine arabo-islamique antérieur et s’en inspire. De manière exceptionnelle, elle témoigne de la diffusion des idées européennes du début du XXe siècle, de leur adaptation au Maghreb et, en retour, d’une influence sur l’architecture et les arts décoratifs autochtones ».
En justifiant la satisfaction du critère (iv), l’ICOMOS, affirme que Rabat « apporte un exemple éminent et achevé d’urbanisme moderne, pour une ville capitale du XXe siècle, par une organisation territoriale fonctionnelle qui assume une intégration des valeurs culturelles du passé au sein du projet moderniste. La synthèse des éléments décoratifs, architecturaux et paysagers, de même que le jeu d’opposition entre présent et passé, offrent un ensemble urbain raffiné et rare ».
L’ICOMOS souligne aussi que Rabat satisfait les conditions d’ »intégrité » et d’ »authenticité » justifiant l’attribution de la « valeur universelle exceptionnelle ».
A propos de l’intégrité, il souligne l’équilibre entre le plan d’urbanisme de la ville moderne et la conservation de ses nombreuses strates urbaines antérieures, l’intégrité de l’habitat de ses différents quartiers, l’intégrité des ensembles archéologiques, les fortifications de l’enceinte almohade sont « convenablement conservées ».
Concernant l’authenticité, l’ICOMOS affirme que les nombreux éléments individuels figurant dans les descriptions des inventaires « permettent d’affirmer un niveau d’authenticité important des éléments constitutifs du bien, notamment de l’authenticité urbaine perçue ». « Plus largement, les conditions d’authenticité en termes urbains et monumentaux sont satisfaisantes », ajoute-il.
Concernant les mesures de gestion et de protection envisagées, l’ICOMOS recommande que le Maroc précise la surface de la nouvelle zone tampon et le nombre de ses habitants, promulgue les projets législatifs (nouvelle loi sur le patrimoine) et réglementaires (réglementation paysagère associée au nouveau PAU), mieux distingue les projets de conservation du bien des autres projets urbains, culturels ou affectant la zone tampon, et les programmer suivant un calendrier précis.
Il préconise aussi la réalisation des études d’impact sur le patrimoine dans le cadre des grands projets urbains de la ville et de la vallée du Bouregreg, afin de garantir l’intégrité visuelle du bien et de ses environs, de documenter systématiquement l’état de conservation et d’authenticité des immeubles dans les inventaires, et de renforcer le suivi de l’habitat urbain, tant des quartiers traditionnels que dans la ville nouvelle.
Source: MAP